Àl’occasion d’images de vacances ou de voyage, le photographe ou le vidéaste occasionnel peut commettre un certain nombre d’erreurs classiques dont les magazines parlent assez peu, accaparés qu’ils le sont par les fautes purement techniques. Or justement, le propos de cet article n’est pas de stigmatiser les erreurs techniques qui sont pardonnables. Ce qui nous intéresse davantage et qui est nettement plus passé sous silence, ce sont toutes les erreurs d’approche « langagière » de la photo ou de la vidéo. Elle sont communes à bien des photographes ou vidéasts occasionnels et même parfois des amateurs plus aguerris. Arbitrairement, nous en avons dégagées quelques-unes que nous avons repérées en observant les petits travers de nos contemporains.

De plus, pour le vidéaste comme pour le photographe, il importe plus encore qu’un voyageur lambda de bien se documenter, étudier l’itinéraire, penser à certaines formalités, parer les ennuis possibles. Après tout, ce sont les joies et petits soucis avant tout voyage mais ils prennent une importance particulière pour le faiseur d’images. Voici le plein d’dées et quelques recommandations d’experts du voyage appliqués à l’image.

SOMMAIRE

**********

Oublier la population

Il y a quelques années, une anecdote véridique s’est produite avec une personne de mon entourage qui avait « développé » (c’est le terme qu’elle emploie) les photos de son dernier voyage en Croatie. Je me plie à cet exercice mais très franchement, je le redoute. La « déformation professionnelle » qui me guette à chaque photo est difficile à contenir, surtout quand on vous inflige 1000 (!) photos consécutives (la personne n’avait opéré aucun tri !) un peu ennuyeuses d’un voyage que vous n’avez pas vécu.

Bien sûr, j’ai conscience que la photo est un « stylo à mémoire ». Chez tous ceux qui m’entourent, aucun n’est passionné de photo, le passage au numérique est à peine digéré (un peu comme le « Franc » !) , et personne n’a jamais entendu parler des lignes de force ou de la règle des tiers. Je ne leur en tiens évidemment pas rigueur, il y a des domaines où je suis nul (la cuisine…) et où ces mêmes personnes m’apprendraient certainement des choses que j’ignore.

Mais parfois je craque 🙂 Revenons à la Croatie pour bien comprendre. Quelque 1000 photos plus tard donc, et alors que le doux supplice prenait fin, quelque chose me chiffonnait franchement. L’erreur qu’avait commise la personne était pour moi la pire car elle n’était pas technique mais humaine. On m’avait emmené en Croatie, on m’avait montré les superbes paysages de ce pays, je m’étais coltiné 50 photos de la mer prise de loin, de près, depuis l’hôtel, depuis la plage ou depuis les collines avoisinantes, mais je ne savais toujours absolument pas à quoi pouvait bien ressembler un Croate ! La déshumanisation était si frappante que j’en étais mal à l’aise comme si j’avais visité un pays déserté de ses habitants. Heureusement que j’avais regardé l’intégralité de la série Urgences et de son acteur vedette croate, le beau et ténébreux Goran Visnjic 🙂

Que s’était-il passé ? Eh bien la voyageuse avait négligé les Croates qu’elle avait pourtant dû croiser à chaque coin de rue ! Par timidité ? Même pas… Peur de photographier des gens sans leur autorisation ? Non plus. Quand je lui ai fait la remarque qu’aucune de ses photos ne montrait un Croate, cette personne a émis un « ah oui, maintenant que tu l’as dit… » qui aurait eu à peu près la même résonance que si je lui avais dit « tu sais, on ne se rend pas bien compte comme était le tapis de la salle de bains de l’hôtel où vous résidiez ! ». Montrer les Croates, finalement quelle drôle d’idée ! 🙂

Je crains que cette anecdote ne soit pas isolée. Ce petit travers est plus criant chez les personnes qui photographient très peu, chez les timides, et/ou ceux qui ont un rapport à la photo très narcissique (se montrer soi-même dans les décors qu’on a visités). Ces mêmes personnes vous inonderont généralement de photos de paysages et de monuments. Il y a pourtant double confusion (selon moi) :

-confusion entre la beauté du monument ou du paysage tel qu’on le vit, et le rendu photographique. Les sujets les plus beaux n’ont pas été ressentis par le spectateur , surtout quand vous lui imposez 50 photos non-ressenties à la suite.

Mais la plus grosse confusion est de ne pas s’apercevoir que la majeure partie du temps d’un voyage est occupée à tout autre chose que la vision de paysages ou de monuments. Un voyage, ce sont des hôtels, des restaurants, des ambiances de rues ou de villages, des moments d’attente, des rencontres et donc des gens, parfois très nombreux !

Mon conseil : ne rentrez pas d’un voyage sans avoir photographié les personnes qui ont parsemé votre chemin. De près, ou de loin si vous n’osez pas vous approcher, photographiez l’humain ! Sinon vous déshumanisez votre voyage. Profitez des moments de foule pour photographier un groupe d’individus, personne ne se sentira spécifiquement photographié de ce fait. Souvent même, si vous ne bougez pas tout le temps et si vous restez « longtemps » au même endroit avec votre appareil bien visible, ce seront les gens qui viendront vers vous comme ces enfants de l’Andhra Pradesh, près d’un temple, qui ont insisté fortement pour que je les photographie ! Si vous n’avez personne qui ne semble venir vers vous, il vous reste la solution de photographier de loin, la puissance actuelle des téléobjectifs ne vous donne plus aucune excuse.

**********

Prendre une photo « apatride »

C’est un travers plus pernicieux, à tel point que même quelques photographes expérimentés peuvent tomber dans ce piège. Lorsque vous photographiez des plans larges (le raisonnement n’est pas applicable aux gros plans), le piège est qu’on vous fasse remarquer que le sujet que vous avez cadré aurait pu être shooté absolument n’importe où. « L’erreur » n’est pas grave s’il s’agit d’une photo purement artistique, elle l’est davantage si votre cliché est censé fournir une information documentaire spécifique au pays visité.

Ainsi, cet escalier qui conduit à une maison dans un jardin botanique, n’évoque absolument pas le pays dans lequel la vue a été prise (l’Inde). C’est une erreur qui peut paraître anodine mais qui peut dénoter que vous n’avez pas su observer, ou tout du moins cadrer ce qui était typique du pays recherché et que vous avez fini par réaliser une image assez banale, sans particularisme.

On peut s’aider aussi d’éléments typiques du pays, comme ce cinéma indien.

Si l’ambiguïté est toujours présente malgré vos efforts de choix du sujet et de cadrage, un bon truc est de repérer un élément écrit du décor qui, à coup sûr, servira implicitement de « légende ». C’est le cas ici avec l’entrée du Times of India, quotidien célèbre en Inde qui ne laisse guère de doute sur le pays visité.

**********

Photographier toujours de face

Un décor balinais d’un spot de plongée, un regard qui se dirige vers la ligne de fuite, ma compagne dans un placement vis-à-vis du cadre respectant peu ou prou les règles photographiques, et cerise sur la gâteau, les plis de sa robe et de son foulard faisant écho à l’ondulation du mouvement des vagues. Sans crier à la photo géniale, j’étais assez content du résultat de cette photo et de l’atmosphère qu’elle dégageait, d’autant que la vue avait été imaginée sans repérage ni préparation particulière (juste le minimum : « reste avec ton bras comme ça, on ne bouge plus pendant 10 secondes »). Oui mais voilà, au retour, en voyant cette photo, la belle-mère faisait la moue… Devinez donc ce qui la gênait ? Sa fille était de dos, donc pour elle, la photo n’avait aucun intérêt !

Depuis ce jour, cette réflexion « belle-mer » m’a plongé dans un abîme de perplexité et je me suis mis à réfléchir à cette question de vue d’une personne devant un paysage, prise tout à tour de face puis de dos, devant un paysage grandiose. J’ai dû convenir que la proportion de photographes prenant comme moi leur compagne (compagnon) ou leurs enfants, de dos, devant un paysage, devait avoisiner les 0,01% !! 🙂 Tout le monde prend évidemment de face !

Malgré cette anormalité que je cultive toujours aujourd’hui, je pense que la photo de dos d’une personne devant un paysage comporte de nombreux avantages sur la photo de face et je recommande donc aux photographes occasionnels de tenter au moins d’en faire quelques-unes s’ils parviennent à s’extirper du cadre purement « photo de famille pour la famille » (ou la belle-mère !) :).

D’abord, je trouve la photo de dos plus réaliste car dans la réalité vraie, chacun regarde le paysage qui se trouve devant lui, non ?! Il y a donc tromperie, si l’on y réfléchit bien, que la personne sur la photo soit dos au paysage, face à l’appareil photo ! De face, c’est de la mise en scène. De dos, c’est naturel. Et toc !

Ensuite je trouve que le positionnement de dos préserve la part de mystère de ce que la personne a pu ressentir lorsqu’elle a découvert le paysage qu’elle a vu pour la première fois. Je trouve au contraire que quelqu’un de face – qui regarde fixement l’objectif, la plupart du temps en se forçant à sourire – est finalement très déconnecté de ce qui est derrière lui !

Autre avantage, sans sarcasme aucun, un constat s’impose avec le développement des réseaux sociaux. Une compagne (compagnon) de dos, des enfants de dos, ne poseront jamais de problème juridiquement parlant, sachez qu’il n’en est pas de même de face. A l’heure où dans les grandes villes, 1 couple sur 2 se sépare, c’est une donnée à prendre en compte si un jour vous comptez exposer certains de vos chefs d’oeuvre photographiques sur un compte Facebook !

**********

Filmer depuis un véhicule en mouvement

Il est rare que le résultat soit très heureux : bougé, flou, sujet qui passe fugitivement devant l’objectif : 9 fois sur 10 la photo est ratée ou peu spectaculaire par rapport à ce qu’elle pu ou dû être. Problème, la tentation est grande de photographier depuis un véhicule en mouvement étant donné le nombre colossal d’heures que l’on peut être amené à passer dans des véhicules de toutes sortes lors d’un voyage itinérant.

Mais avec un peu de chance, on peut obtenir des photos toutes en atmosphère comme celle-ci prise depuis un bus indien bondé (un doux euphémisme), le soir tombant. Préférez dans tous les cas les photos prises vers l’intérieur du véhicule que vers l’extérieur.

**********

Rater les moments cruciaux

Les moments dont on aimerait le plus détenir un souvenir photographique sont étrangement souvent ceux pour lesquels on ne possède aucune photo ! Le paradoxe s’explique par le fait que les moments inoubliables sont soit des moments surprenants ou « accidentels ». La surprise ou l’émotion font donc perdre tout réflexe de photographier. On rate ainsi bien des événements qu’on aimerait revoir en images, une fois revenu de son périple.

Les professionnels ont bien entendu ce réflexe de capturer l’instant fugitif ou difficile. Difficile pour l’amateur d’avoir un comportement comparable. Mais il peut au moins tenter de capturer les moments comiques comme cette photo montrant une vieille chaussure de randonnée qui a lâché tout en haut d’un col, m’obligeant à redescendre la montagne quasiment à cloche-pied !

**********

Trouver un accompagnateur sur place

Pour concevoir un reportage intéressant, louez les services d’un guide. Repérez un éventuel Centre culturel français (s’il existe) qui vous aidera si vous avez une solide justification à leur demander de l’aide (reportage TV ou autre). A défaut, et si votre objectif est plus « de loisir », tentez de trouver un étudiant en vous rendant dans une université ou près d’un monument. L’étudiant présente l’avantage de pouvoir jouer l’interprète (en anglais, voire en français) et de bien connaître la culture du pays, les endroits peu fréquentés apr les touristes. Pour autant, sondez tout de même votre futur accompagnateur pour connaître sa disponibilité (s’il est étudiant, il est censé étudier !) et juger sa capacité réelle à jouer les intermédiaires. Mettez-vous bien d’accord sur un prix (écrivez-le !). Ne vous mettez pas à mal d’éventuels guides officiels locaux qui vivent (parfois difficilement) du Tourisme. Alignez plus ou moins les prix sans provoquer de concurrence déloyale !

**********

Choisir le bon guide papier ou vidéo

Le “Guide du routard” reste une référence même si les infos sont parfois d’une exactitude inégale selon les pays. Mais les commentaires sont souvent croustillants à lire et néanmoins sérieux. Je l’ai souvent vérifié sur le terrain. La précision de ce type de guide s’est accrue car, via la rapidité du mail et la prolifération des web-cafés de par le monde, les routards enrichissent chaque édition au moyen de renseignements actualisés.

Les guides Lonely Planet, jouent moins la carte de la connivence avec le lecteur mais sont très complémentaires du Routard. En Inde, j’ai pu constater qu’ils parvenaient à faire figurer sur un plan le lieu précis d’une station de bus qui, sur place, restait pourtant invisible ! Elle était pourtant bien à l’endroit indiqué. En outre, si vous maîtrisez l’anglais, la fréquence de mise à jour des versions originales (« british ») de Lonely est supérieure. Leur force se base aussi sur des encadrés thématiques.

N’oublions pas les Guides Bleus et Gallimard qui se destinent aux francophones.

On apprécie aussi particulièrement les « guides de conversation » pour globe-trotteurs. Combien de fois ne se retrouve-t-on pas dans des villages reculés où personne ne parle l’anglais ! Ces ouvrages à prix modique, de petit format, se glissent dans un sac ou dans la poche, et présentent, en 150 à 200 pages, les expressions et termes les plus courants d’une langue. Mieux : la prononciation de chaque expression est retranscrite non avec l’Alphabet phonétique international (qui impliquerait de le connaître) mais dans une phonétique adaptée à votre langue. Toutes collections confondues, ces petits opuscules se sont vendus à 600.000 exemplaires en 2006.

La réalisation de DVD touristiques incombe à quelques prestataires spécialisés comme le méconnu mais très intéressante collection de la Production Ateliers du Film (prix 15 euros le DVD) qui couvre tous les continents.

**********

Déjouer les pièges du voyage en avion

Pour les vidéastes, majoritaires, qui embarquent un camescope à bande, ils doivent savoir que le support magnétique ne risque rien aux passages aux rayons X. En revanche, il faut éviter de glisser une cassette dans la poche : l’emballage risque de sonner à l’approche du portique, et les particules magnétiques, même si le risque est faible, d’être endommagées !

Attention, à l’embarquement et dans l’avion, la réglementation s’est durcie. Votre trépied passera en soute car il peut constituer une arme. De même si votre caméra est jugée trop encombrante (modèle pro). Les pros laisseront évidemment leur flight-case en soute.

En revanche, pour filmer à bord de l’avion, la recommandation d’éviter (en théorie) de filmer durant les phases de décollages et d’atterrissages, semble un peu désuète. On ne souhaite pas être responsable d’un crash mais en réalité, ladite précaution ressemble plus à un principe de précaution. En effet, les perturbations que peuvent engendrer un camescope sont certainement nulles, celui-ci n’émettant aucune onde.

Autre point : le « syndrome de la classe économique » aidant, on est souvent mal à l’aise pour filmer, par manque de place. Un excellent truc pour les vols longs courriers, est d’arriver parmi les premiers au comptoir d’enregistrement et de demander à être placé près d’une issue de secours. Précisez que vous parlez l’anglais. Parler anglais sert en cas d’urgence à aider le personnel de bord à évacuer les personnes par les issues de secours. Cet emplacement est royal : confort des jambes, pas de siège devant vous pouvant gêner d’éventuelles prises de vues, possibilité de filmer en ayant une vue panoramique, et faculté de s’occuper de sa caméra et de ses accessoires sans être à l’étroit. Inconvénient : le hublot n’est pas toujours bien placé et la tablette est généralement moins pratique.