E lle s’appelle Wang Mengyun. Le nom de cette jeune femme chinoise vloggeuse, ne vous dira probablement rien. Mais la vidéo dont elle est l’auteure, peut-être davantage. La vidéo (dont vous apercevez la capture d’écran ci-dessus) montre une « dégustation » de chauve-souris à cause de laquelle la chinoise se retrouve actuellement clouée au piloris. Explications d’un nouvel effet pervers des réseaux sociaux. Qui va cette fois assez loin.

Reprenons. La jeune femme que l’on voit, c’est Wang Mengyun elle-même. Wang est influenceuse, tendance voyage. Les cinéphiles se rappelleront la fameuse scène du repas du film de Steven Spielberg « Indiana Jones et le Temple maudit » qui partage quelque lien de parenté avec cette vidéo. On y voit Wang déguster l’aile d’une chauve-souris du bout des lèvres puis y aller franco, écartant avec ses doigts la chair du chiroptère (âmes sensibles s’abstenir) qu’elle montre avec malice à la caméra. Cette vidéo n’est pas passée inaperçue ces jours-ci. Elle a été rediffusée par des esprits perfides dans le contexte de l’épidémie de coronavirus, pour attiser la peur et souffler sur les braises d’un certain racisme anti-chinois.

La vidéo de Wang Mengyun est pourtant détournée à la fois de sa temporalité et de son contexte. En effet, la vidéo a été exhumée récemment, mais Wang Mengyun filme en réalité cette scène pour son blog…. en 2016 ! La scène ne se déroule ni à Wuhan ni même en Chine mais à des milliers de kilomètres, à Palau, un archipel de la Micronésie, coincé entre les Philippines et la Papouasie.

N’en déplaise à nos yeux qui se révulsent et à nos estomacs qui se contractent à la simple vue de la chauve-souris entière dans une assiette, là-bas, comme dans d’autres lieux du monde, on mange effectivement des « bat soup« . Les chauve-souris (souvent des roussettes) ne sont pas sauvages, elles sont élevées localement, précisément pour être consommées. Au Laos ou en Nouvelle-Calédonie, on connaît aussi les bat soups qui sont un mets apprécié. Et faut-il rappeler que dans un certain pays qui se nomme la France, on avale des grenouilles et des escargots, et que ces mets par ailleurs très appréciés dans les restaurants gastronomiques hexagonaux, semblent tout aussi incongrus, voire écoeurants aux yeux de beaucoup d’étrangers (et parfois même de français !).

Lorsque Wang Mengyun tourne cette vidéo, on peut imaginer qu’elle se force « simplement » à goûter à la spécialité locale, d’ailleurs on sent bien qu’elle n’est pas une habituée de ce mets.

Problème aujourd’hui : sur fond de suspicion de transmission du virus par une chauve-souris, la vidéo a été empruntée, piratée et rediffusée sur de nombreux comptes sociaux comme si elle avait été filmée à Wuhan. Et du coup, l’auteure des images est considérée, du fait même de son pouvoir en tant qu’influenceuse, et de sa nationalité chinoise, comme ayant pu influencer d’autres candidats à la bat soup, ce qui, de fil en aiguille, aurait ainsi favorisé la contamination. Résultat : vilipendée et même menacée de mort, Wang est tombée dans la centrifugeuse infernale des réseaux sociaux. Elle s’est sentie obligée de s’excuser publiquement sur un site australien d’avoir diffusé une vidéo vieille de 3 ans qui a été remise sur la devant de la scène sans son consentement, et dont elle ne pouvait pourtant pas connaître le devenir  ! Pour ne rien arranger, une autre vidéo d’une chauve-souris trempant dans une soupe a fait surface. Bien qu’elle n’a pas été tournée par Wang, elle a favorisé l’amalgame et lui a parfois été attribuée.

D’un point de vue strictement épidémique, il convient de rappeler que rien n’est encore démontré à ce jour sur la transmission du virus par la chauve-souris vers l’homme, même si le virus ressemble à celui transmis par un chiroptère. La transmission serait plutôt indirecte, entre une chauve-souris sauvage et un autre animal, qui lui, aurait été consommé sans contrôle sanitaire. La seule et unique certitude est que le virus a été transmis par un animal sauvage sur le marché aux fruits de mer de Wuhan. Les autorités chinoises ont d’ailleurs prohibé tout commerce d’animaux sauvages.

Mais la folie des réseaux sociaux ne s’arrête pas là. En enquêtant sur le Web, voyage-images s’est aperçu qu’une seconde Wang Mengyun, également influenceuse (sur Instagram), existait ! La seconde publie des photos soft d’atmosphères, et de rencontres, tendance créative. Les deux jeunes femmes ne se ressemblent absolument pas quand on prend la peine de scruter leurs traits, mais leur typologie assez proche (chinoise entre 25 et 35 ans), et leur pseudonyme anglophone commun, a provoqué un amalgame. Du coup, la « 2e » Wang Mengyun est à son tour une victime collatérale de cette histoire. Elle reçoit, elle aussi, des insultes et des menaces alors qu’elle n’est pas la bonne personne ! Furieuse, elle a été contrainte de publier une mise au point sur son compte Instagram pour dire tout simplement que l’auteure de la vidéo, ce n’était pas elle !

Moralité : diffuser des photos ou des vidéos via les réseaux sociaux, même en toute bonne foi, c’est prendre le risque que cette « trace », un jour, se retourne violemment contre vous.

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