Ceux qui ont plus de 45-50 ans (bien tassés !) se souviennent forcément de cette série culte anglaise qui a peut-être hanté leurs cauchemars quand ils étaient adolescents. Votre serviteur, je le confesse, n’en manquait pas un épisode. Le Prisonnier (The Prisoner) retrace l’histoire d’un agent secret britannique qui après avoir démissionné, est kidnappé et se retrouve prisonnier dans un village dont il ne parvient pas à s’échapper. Un monde orwellien où des habitants déambulent dans le village, en apparence aimables (ils scandent inlassablement la réplique-culte « bonjour chez vous« ) mais sans libre-arbitre. Il faut dire qu’ils sont guidés par un haut-parleur via  lequel une voix leur dicte le déroulement de la journée. Dans ce village, on y découvre un n°2 tout-puissant, un n°6 (le héros), des vélos à 3 roues, un jeu d’échecs humain, un ballon guideur, voire étouffeur qui asphyxie ceux qui se rebellent, une plage sans fin où courir pour s’échapper ne sert à rien,  enfin une réplique célèbre : Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre ! scandée par le héros du film, Patrick McGoohan.

De façon assez déconcertante, cette série des années 1960-70 a assez bien vieilli et pourrait presque se regarder aujourd’hui sans décalage temporel marqué. L’une des explications est que le thème qu’elle aborde résonne étrangement à nos oreilles. L’idée d’un état totalitaire où toute protestation est bannie, d’où l’on ne peut s’échapper, qui manipule, et fait de ses concitoyens des prisonniers, ça ne vous rappelle aucun pays ? La série fait probablement aussi écho à notre imaginaire car son héros est finalement confiné dans un lieu d’où il ne peut franchir les limites géographiques imposées par une Autorité :  là encore, ça ne vous rappelle pas, toutes proportions gardées, la situation d’une pandémie des années 2020 ? Enfin, des gens enfermés dans un même espace « semi-clos » et dont on observe chaque geste, chaque déplacement, ça ne vous rappelle toujours pas une certaine télé-réalité bien actuelle ?

Mais ce qui entretient la flamme de cette série est aussi le décor et ce, pour une bonne raison : extravagant, drolatique, franchement kitsch, le village se visite toujours en 2024 ! En effet, l’originalité de la série est d’avoir tourné dans un vrai village qui préexistait à la série et a été édifié en plus de 50 ans (!), et non dans un décor en carton-pâte. Le meilleur moyen pour résister aux assauts du temps… Le domaine est l’oeuvre d’un architecte aussi visionnaire que déjanté, Sir Clough Williams-Ellis. Il se compose de jardins à l’italienne avec des télescopages insensés de styles : baroque, dorique, époque victorienne… Un univers à la fois fou et réaliste reflétant bien l’esprit de la série…

Une certitude : peu de séries ont conservé intacts ses décors d’il y a 50 ans que l’on peut toujours visiter en 2024 ! On peut même loger dans des hôtels en périphérie.

Vidéo : © Ian Sill

Laes 17 épisodes de la série le Prisonnier sont disponibles en version DVD ou Blu-ray. Apparue en 1966 en Angleterre, elle sera diffusée quelques années plus tard en France. Le Prisonnier présente deux particularités marquantes formelles que les amateurs de série ne manqueraient pas de relever aujourd’hui. D’une part elle est l’une des seules séries à introduire chaque épisode par le même générique de 3 minutes (!) qui, à la manière du procédé du « previously », montre l’agent secret n°6 être pris au piège puis se retrouver dans le village. A titre de comparaison, même la série Amicalement vôtre dont le générique cultissime résume longuement toutes les facettes de la vie trépidante des deux héros (les regrettés Tony Curtis et Roger Moore) depuis leur enfance, ne totalise « que » 2 minutes dans sa version longue.

Autre particularisme, le héros du Prisonnier, Patrick McGoohan, alias n°6, cumule les casquettes de scénariste, producteur et réalisateur. C’est un peu plus fréquent aujourd’hui qu’un acteur vedette réalise ou produise (voire fasse les deux) mais dans les années 60, c’était encore assez rare et montrait l’implication extrême du personnage principal dans sa série. C’était aussi un moyen pour lui de maîtriser son oeuvre artistique et c’est peut-être ce mode opératoire qui donne une extrême cohérence à la série. 

Il faut aussi citer le co-créateur de la série : un certain George Markstein qui fut écrivain… et agent secret lui-même !

Le village de la série culte Le Prisonnier se situe au nord-ouest du Pays de Galles, à environ 140 kms au sud-ouest de Liverpool, et se nomme… Portmeirion. Le village pourrait presque servir vraiment de « prison à ciel ouvert » dans la mesure où il est situé au sud du mont Snowdon (1085 mètres), à une trentaine de minutes, qui est le point culminant du Pays-de-Galles et à proximité au sud et en partie à l’ouest d’un estuaire débouchant dans la baie Ceredigion. Toute fuite est donc passablement compliquée. Incroyable, non ?

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