L istant quelques films ayant trait au voyage, j’ai regardé attentivement le film français de Marc Esposito Toute la beauté du monde avec l’espoir de retrouver la sensation que j’avais éprouvée en débarquant à Bali quelques années auparavant. Je sais que bien des voyageurs (et 650.000 spectateurs en salle, un score honnête) ont apprécié ce film, mais pour ma part, j’ai décroché rapidement ou plus exactement, je n’ai jamais accroché au ton du film, et me suis ennuyé ferme, sentiment probablement renforcé par la durée relativement longue de ce « conte » (1H45) qui aurait pu économiser sans difficulté 20 à 30 minutes de scènes tirant en longueur. Cela me fait toujours mal de critiquer un film français quand je sais combien les techniciens de nos écoles de cinéma sont talentueux. Mais une bonne technique seule ne fait pas un bon film.
Problème, sur ce postulat déjà limité, l’histoire d’amour est cousue de fil blanc, étiolant l’intérêt du film à mesure qu’il progresse. Les situations et les dialogues sont creux, et parfois d’une niaiserie déconcertante (comme dans ce dialogue emphatique où Marc Lavoine s’adresse à Zoé Félix : en moto, c’est fantastique, on est dedans, on va partout, on fait corps avec la nature, on la traverse, on sent tout, le soleil, le vent, la fraîcheur….). C’est un florilège rarement vu de phrases ridicules : il faut croire que dialoguiste, c’est un métier, M. Esposito.
Pire : il se dégage des expat’s (interprétés par Jean-Pierre Darroussin et Albane Duterc) une vision de parvenus dans leur riche propriété balinaise. « L’entre-soi » entre Jean-Pierre Darroussin, sa compagne et Marc Lavoine, qui joue quand même le séducteur aux yeux revolver, met mal à l’aise. On espère naïvement que le réalisateur à travers Zoé, va finir par renverser la table, ou que les personnages vont s’opposer d’une façon ou d’une autre. On compte sur Zoé Félix pour leur dire à tous qu’ils sont naïfs de croire que c’est en sortant des belles phrases et en faisant de jolis tours à moto, qu’on sort d’une dépression. Il y avait là au moins l’opportunité de faire rebondir le film. Eh bien non. Même pas.
Aveuglé par son amour pour cette île de beauté (adoration que le réalisateur a revendiquée dans plusieurs interviews), et par son scénario fleur bleue, Marc Esposito accentue au contraire la caricature dans laquelle il enferme ses propres acteurs. Jusqu’à nous infliger le parcours de Bali à moto, avec la totale du cliché : iPod dans l’oreille, lunettes de soleil, et cheveux au vent.
Bref, il faut sans doute être un lecteur mordu de la collection Harlequin doublé d’un spectateur assidu des Feux de l’Amour pour voir du romantisme là où il s’agit plutôt d’un sacré manque d’inspiration scénaristique. En tout cas, une certitude : aimer Bali (ce qui est mon cas) ne suffit aucunement à aimer le film. Pour preuve.
Les opportunités qu’offrent le décor de cette île auraient pu inspirer davantage de films. Ils existent mais sont restés confidentiels. Toute la beauté du monde est le plus connu à Bali.
Seconde raison de s’intéresser au film de marc Esposito, c’est un film dont les décors naturels peuvent honnêtement donner envie de se rendre à Bali. Le film est dans ce cas à considérer comme un film-documentaire, travaillé par un bon chef’opérateur. Rares sont les films de fiction qui fonctionnent ainsi, sauf peut-être les cas d’Indochine de Régis Wargnier, qui se déroule également en Asie, dont les aspects documentaires sont nombreux, et qui, lui, réussit le pari de la fresque romantique. Idem pour la Plage tournée en Thaïlande par Danny Boyle avec Leonardo DiCaprio et Virginie Ledoyen.
Avec la démographie et l’activité touristique galopantes (les seuls touristes français représentaient près de 130.000 touristes en 2014 à Bali), les rizières de Jatiluwih (qui signifie « vraiment merveilleuse ») ont bien (mal) évolué depuis l’époque du tournage du film en 2006. L’accès au site est de plus en plus « officialisé » avec billetterie obligatoire et tout le tralala. Bali ne produit même plus assez de riz pour sa propre consommation… ! Déjà, en 2007, le nombre de boutiques et de sollicitations touristiques était trop marqué.
La datation a son importance car regardez bien cette vidéo et ses surfeurs. Personne ne possède encore la moindre caméra embarquée ! Nous sommes en 2007 et la GoPro, bien que distribuée depuis 2005, n’a pas encore envahi le monde du surf. A cette époque, elle est distribuée au compte-gouttes, uniquement aux Etats-Unis, et Nick Woodman, le gourou de GoPro, est en train d’affûter sa stratégie commerciale après avoir donné sa caméra à ses amis sportifs qui, conquis, deviennent ses meilleurs ambassadeurs.
Je filme moi-même les surfeurs sur la plage de Balian Beach sans me douter un seul instant que la petite caméra (que je connais à peine) deviendra un accessoire de sport (presque) comme un autre quelques années plus tard et remportera un succès éhonté. Bref ici, il faudra attendre 1 à 2 ans pour que les surfeurs se l’approprient, mais cela ira très vite. D’ailleurs, dès 2009, il se vendra près de 3 millions de GoPro !